L’Occident est fils du désert. Le Dieu des trois religions est un Dieu du désert et dans le désert il parle avec l’homme, avec Abraham, avec Jésus, avec Mahomet. On dit que le désert est le vicaire de Dieu sur la terre. Même qui n’a pas la chance, la grâce ou la condamnation de croire, ne peut rester insensible à la voix du Sahara. Ibrahim al-Koni, libyen, est quelqu’un qui entend cette voix. Il est possible énumérer seulement quelques-unes des charmes de son livre La patrie des visions célestes. L’oiseau du paradis que ce qui ont plus de bonheur voient une fois dans la vie. Les tuareg qui préfèrent mourir libres et assoiffés sous le ciel que esclaves d’une bêche de paysans. L’obscur langage des mystiques qadirits. Les bédouins et leurs enfants qui apprennent la pratique du silence. L’eau qui caresse les pieds fatigués. La nuit qui amène des réponses à des hommes et des femmes éreintés. Une phrase dite par un tuareg dans le livre est valable pour nous tous, enfants de l’Occident et du désert: « Nous tous on aime l’horizon et l’on pleure de nostalgie, en imaginant ce qui se cache au-delà du désert».
Quand Mahomet revint chez lui bouleversé, le coeur hors de la poitrine, le corps figé par la terreur, les yeux brûlés par la vision qu’il avait eu et la tête qui éclatait par les mots que l’ange lui avait instillé, quelle fut la première personne qu’il rencontra ? Qui le tranquillisa, s’occupa de lui, veilla sa nuit blanche ? Qui se trouva sans l’homme dont elle était tombée amoureuse mais à sa place un prophète ? Une femme, Khadigia. Quand le prophète mourut après avoir changer le monde à jamais, où posa la tête la dernière fois ? Sur les genoux d’une femme, A’isha. Il serait suffisant cela même pour les profanes qui ne s’arrogent aucune prétention de savoir par cœur le Coran pour voir la considération que l’Islam a de la femme. Mais si cela ne suffit pas, Hafez Haidar a écrit Les femmes qui aimaient Mahomet ( Piemme, 12,90 euros), un roman librement tiré du Coran qui raconte l’histoire de l’apôtre d’Arabie au point de vue des femmes qui firent partie de sa vie. C’est de l’air frais dans tant d’ennui.
Dans le bientôt –possible- nouveau- état- canaille Iran, la littérature est forte, enracinée, vive comme la société de laquelle elle vient. Subversive aussi comme la littérature devrait être. Après Azar Nafisi et sa Lecture de Lolita à Teheran, tant pour citer l’un des cas les plus connus, voilà La femme qui lisait trop (l’acte de la lecture est symbole de liberté) de Bahiyyih Nakhjavani. C’est l’histoire de Tahirih Qurratu-‘l-ayn, mieux connue comme la poétesse de Qazvin, femme émancipée, hérétique, très belle qui fit perdre la tête au Shah de Perse et crever de rage la mère de lui. Elle fut capturée et accusée à cause de son indépendance, pour s’être montrée sans le voile. Une histoire qui commence par l’assassinat du Shah et va à rebours avec un peu de fiction, de lumière et d’espérance dans une histoire vraie.
Les sufis écrivent peu et quand ils le font écrivent d’une façon simple.
Histoires, anecdotes, récits brefs. D’habitude ils
transmettent leur enseignement d’une façon pratique. Ils dansent pour
se rapprocher à Dieu.
Ils répètent les noms de Dieu en celui qu’ils appellent zikr.
Ils prient. Ils discutent aussi beaucoup de l’homme, de
Dieu, des obstacles qui les séparent et de ce qu’il faut faire pour les
dépasser. Ils sont convaincus que l’amour infini que Dieu a pour
l’homme les sauvera. Si quelqu’un leur demande comment il faut faire
pour y croire, ils peuvent répondre : tu ne dois pas y croire, tu dois
l’aimer. On les appelle les mystiques de l’Islam. Cela n’est pas tout à
fait correct. Pendant les siècles ils ont mis au point des
psychologies et des techniques de méditation et d’enseignement très
affinées. Toutes les fois pour un seul but : délivrer de l’illusion de
pouvoir être heureux suivant ce que notre ego commande et
s’abandonner avec confiance à Dieu, à Allah. Mais ils ne sont pas hors
du monde. Ils sont dans le monde, sans faire partie du monde. Voilà
comment ils se définissent. Ils se plongent dans la réalité imparfaite
des hommes en lui conférant une chance. On peut être heureux ici, il
faut savoir ce que l’on cherche et ce qu’il faut laisser de côté.
Un manuel pour les hommes de ces temps est Le derviche métropolitain de Burhanuddin Hernann,
maître sufi et élève de Maulana Grandsheick Nazim, grand
maître de l’ancien ordre sufi Naqshbandi. Rien de difficile, rien qui
puisse changer la vie à quelqu'un qui n’ait déjà décidé de la changer.
C’est seulement un livre écrit par un sufi. Personnes qui écrivent peu,
qui sont plutôt pratiques.
n. 4 Derb Lahbasse, Riad Zitoun Lakdim 40000 MARRAKECH MOROCCO